Je suis Charlie,
Je me souviens de la première fois que j’ai connu Charlie Hebdo, dans les années 2000 lorsque j’ai commencé mes études.
J’ai grandi dans le 93, avec une éducation stricte, musulmane et mauricienne. Petite fille, je sentais bien que je n’étais pas l’égal des hommes et cela déjà me révoltait. À 4 ans je voulais tout faire comme un garçon, les cheveux courts, les pantalons, je rejetais tout ce qui était féminin sauf ma poupée, parce que je ne comprenais pas cette différence. j’étais féministe avant l’heure, je n’avais pas compris qu’il fallait que je reste moi-même. Je l’ai compris en grandissant et en observant le monde qui m’entourait.
Je me souviens de mes cours d’éducation civique au collège, (les débuts), j’avais un prof anarchiste qui se foutait de ce que pensaient les gens, il parlait ouvertement et nous poussait à réfléchir. Ça a été pour moi un début d’éléctrochoc, l’ouverture sur un nouveau monde. Au lycée, je me sentais mal dans mes baskets, comme beaucoup de jeunes, à la recherche de mon identité. J’avais beau évoluer avec d’autres jeunes qui se sentaient bien ou mal, qui pensaient tout savoir, parce que c’était comme ça. Qu’il fallait plaire et obéir à son père, ou à son frère, faire comme les autres pour etre “bien vu”. Moi je refusais tout ça. Alors, j’ai opté de “traîner” avec le groupe marginal qui pensait autrement, qui écoutait du rock et qui se posait des questions. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont laissé la liberté de faire de la musique au conservatoire, de danser et de dessiner. De là, j’étais déjà en marge de cette société dans lequel je devenais une jeune adulte. J’ai toujours eu une âme de rebelle, une fougueuse curiosité qui m’animait et un amour grandissant pour l’art en général. Mes parents n’étant pas de grands lecteurs, j’avais toute une culture de retard. Alors, j’ai parcouru les musées, j’ai étudié l’histoire et je me suis battue seule. Mon but était de partir de ce 9 3, j’ai tout fait pour ça, j’ai eu mon bac, et j’ai passé le concours des beaux-Art à Marseille. Je voulais voir ailleurs, quitter Paris, rencontrer d’autres gens, d’autres pensées.
Je ne suis restée qu’un an, parce que je n’y trouvais pas ma place, je voulais dessiner et faire du cinéma d’animation. Je suis alors revenu à Paris pour faire une licence de cinéma et en même temps travailler mon dessin. Ce fut des années très difficile et très enrichissante. Sur fond de Courrier international, National géographic et Charlie Hebdo, je façonne ma personnalité.
je trouvais dans Charlie, un crayon et une plume acérée, qui faisait du bien. Se foutre ouvertement de tout, exprimer l’actualité avec humour, sans présomption, sans tabou. Provoquer parfois et pousser à une certaine réflexion toujours.
J’ai toujours soutenu Charlie Hebdo, même lorsque certaines de leurs caricatures étaient controversées. Parce que ce sont des dessins, parce qu’ils expriment une opinion satirique.
Le mercredi 07 janvier 2015, je fus tellement triste, choquée, j’avais perdu des mentors, des gens qui m’ont aidé à me construire. C’est comme ci j’avais moi aussi été attaqué. L'impression d’avoir perdu une béquille dont je n’avais même pas conscience. Comment faire après? Que se passera-t-il? J’ai eu du mal à rebosser ce jour-là. Alors tremblante j’ai repris mon stylet et dessiné quelque chose en leur mémoire. Parce que moi aussi je dessine pour m’exprimer.
Comment expliquer à mes enfants que ces gens ont été tué parce qu’ils dessinaient comme leur maman.
Et puis, les jours suivants je me suis dit que j’aimais trop ça et que je ne voulais faire que ça quoi qu’il arrive!
Et je me suis promise d’enseigner à mes enfants d’aller au bout de leurs rêves et de se battre pour défendre leur liberté.
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